mercredi 4 avril 2012

rapport préliminaire de la commission d'Etat d'organisation de la composante militaire de la force publique


PLAN DU RAPPORT PRELIMINAIRE :

1 - Lettre explicative de couverture au Président de la République
2 - Contexte et état des lieux
3 - Historique de la question

4 - Échéancier : 
Court Terme (janvier - novembre 2012)
PHASE I Préalables
PHASE II Mise en œuvre
PHASE III Entrée en service officielle

Moyen Terme (décembre 2012 - décembre 2014)
Poursuite du processus d'implémentation de la Force

Long Terme ( janvier 2014 et +)
Opérationnalisation de la Force avec son effectif complet



1 - LETTRE EXPLICATIVE DE COUVERTURE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE :
« Monsieur Michel Joseph Martelly
Président de la République
Palais National

Monsieur le Président,

La Commission d'Etat d'Organisation de la composante militaire de la Force Publique créée par Arrêté en date du 21 novembre 2011 vous présente ses respects et a l'honneur de soumettre à votre attention, conformément aux termes de son mandat principal, le rapport d'étapes annexé à la présente correspondance.

Dans ce travail préliminaire de synthèse qui annonce, par anticipation, les grandes lignes du Rapport final, l'accent est mis sur certains préalables indispensables à la réalisation des phases concrètes de l'organisation de la Force Militaire dont l'entrée en service officielle pourra coïncider avec la commémoration de la bataille de Vertières et du jour des Forces Armées, le 18 novembre 2012.

Ces préalables comprennent entre autres :

  • l'interdiction sur tout le territoire des recrutements et entrainements illégaux de type militaire,
  • la solution du problème d'indemnisation et de pension de l'ancien personnel des Forces Armées d'Haïti,
  • la définition avec la Minustah d'une stratégie conjointe de retrait progressif de ses troupes
  • le dépôt au Parlement du projet de loi organique du Ministère de la Défense
  • la réflexion sur la mise en application du service civique mixte obligatoire.
    une campagne de communication et sensibilisation.

De telles mesures serviront à mieux informer les instances tant nationales qu'internationales sur le cheminement suivi par la Commission aux fins d'atteindre ses objectifs.


Monsieur le Président,

Pour produire ce rapport préliminaire, la Commission a été amenée à:

  • élaborer un formulaire de consultation à l'intention des secteurs vitaux de la Nation via les délégations, vice-délégations et les Mairies et se fixer un délai raisonnable pour recevoir les avis desdits secteurs.
  • recenser l'effectif de l'ancien personnel des Forces Armées d'Haïti en attendant qu'il satisfasse aux critères d'évaluation et de rengagement tels que l'âge, l'état de service et de santé, le casier judiciaire.
  • proposer une solution définitive au problème d'indemnisation de l'ancien personnel des FADH par l'émission en faveur des intéressés de chèque mensuel d'indemnité jusqu'à extinction complète de la balance restante.
  • procéder à l'inventaire des bases urbaines de la Minustah devant être prises en charge par la PNH et celles en dehors des villes par la nouvelle force militaire haïtienne
  • prendre en compte les points et zones stratégiques du pays tels que : Barrages hydro-électriques, Centrales thermiques, Chutes d'eau, Salagnac, Fressac, Chien Content, Boutiliers, Centrale de communication, Centrale de distribution d'eau, Palais National, terminaux pétroliers et Centres de stockage des produits pétroliers, Ports et Aéroports, nappes phréatiques, zones protégées,
  • retenir les sites pour l'implantation respective des Quartiers Généraux des régions militaires de l'Ouest-Sud-Est, de l'Artibonite-Centre, du Grand Nord et du Sud-Grand-Anse-Nippes.
  • identifier comme sources de financement de la composante militaire de la Force Publique : les revenus sur les investissements du fonds de pension des FADH, une ponction raisonnable sur le budget du Fond d'Entretien Routier (FER) pour le Corps du génie et la mise en œuvre de la recommandation de principe de la Banque Mondiale qui prévoit l'affectation de 1 à 2% du Produit National Brut à l'organisation de toute Force Militaire.
  • proposer un plan quinquennal de développement et de financement de la nouvelle Force
  • établir une liste de champs : doctrine et justice militaire sur lesquels des projets de lois et de normes seront
  • proposer pour étoffer le cadre légal des Forces Armées d'Haïti, nouvelle version.
  • retenir le Service de santé, le Service Juridique, le Corps du génie, le Service d'agronomie, le service d'agents frontaliers et forestiers comme unités prioritaires à rendre opérationnelles pour assurer la relève au fil du désengagement progressif de la Minustah.

Monsieur le Président,

La Commission voudrait particulièrement solliciter votre attention sur le caractère flexible des phases séquentielles d'implémentation du projet dont l'opportunité et la faisabilité ont déjà fait l'objet d'un très large consensus national comme en témoignent les 64% d'opinions favorables obtenus lors du sondage réalisé au premier semestre de l'année 2004. A cet effet, la Commission recommande à court terme de mettre à profit l'élan de sympathie de la population et le support de nos partenaires pendant qu'elle poursuit les consultations avec les secteurs vitaux de la Nation, l'inventaire des moyens matériels disponibles, l'élaboration de normes et l'identification de toutes autres sources de financement nécessaires au fonctionnement de la nouvelle force.

Tout en vous remerciant de la confiance dont vous avez bien voulu l'honorer, la Commission vous prie, Monsieur le Président, de bien vouloir agréer l'expression de ses salutations les plus déférentes. »

Yvan Richard Maurrasse, Secretaire d'état à la défense, President
Reginald Delva, Secretaire d'etat à la Securite publique, Vice-President
Jean Bergenarc Barrethe, Secrétaire Rapporteur
Gérard Gourgue, Membre
Georges Michel, Membre
Jean Thomas Cyprien, Membre
Guy Noël, Membre



2 - CONTEXTE ET ÉTAT DES LIEUX :
« Depuis Février 2004 et pour la troisième fois dans son histoire, la République d’Haïti voit son sol souillé, sa souveraineté violée et les droits élémentaires de ses ressortissants foulés aux pieds. L’impact de cet événement sur le comportement des citoyens est désastreux. Le sentiment d’une forme de tutelle imposée est unanimement partagé au point que les clivages idéologiques, les sensibilités politiques, les désaccords et les divergences s’estompent au regard de l’urgence qu’il y a de mettre fin à cette anomalie grave. Les tensions sociopolitiques enregistrées tout au long de l’année 2003 étaient déjà les prémices d’une crise irréversible.

En effet, sur fond de polarisation extrême et de violence larvée, des secteurs politiques et sociaux antagoniques se sont affrontés sans que l’un ou l’autre eut pu tenir un discours articulé et cohérent, annonciateur d’une alternative crédible. D’un conflit haïtiano-haïtien, il a fallu peu de temps pour qu’il se transformât en crise internationale aux dimensions, à vrai dire, exagérées dont s’est saisi le Conseil de Sécurité en invoquant les dispositions du chapitre VII de la Charte des Nations Unies applicable aux Etats Membres dont la situation interne constitue une menace pour la paix, une rupture de la paix ou un acte d'agression à l’échelle régionale ou mondiale.

Ainsi, en votant la résolution 1542 du 30 avril 2004 et en déclarant agir en vertu du chapitre sept de sa charte constitutive, le Conseil de Sécurité confère-t-il à l'Etat d’Haïti le titre peu envieux de pays dont la situation interne menace la paix, la sécurité et la stabilité dans la région. Depuis lors, et ce, jusqu'à la résolution du 15 octobre 2011 reconduisant le mandat de la MINUSTAH pour une nouvelle période de 12 mois, le Conseil de Sécurité, quoi qu’il ait admis que des progrès ont été accomplis sur le terrain, ne manque jamais d’invoquer le chapitre VII qui d'ailleurs ne cadre nullement avec la situation d'Haïti.

Quelle est aujourd’hui la validité et la pertinence de cette assertion faisant de l'Etat d'Haïti une menace pour la paix et la stabilité dans la région? Après plus de sept ans, le moment n’est-il pas venu de dresser sans complaisance aucune, le bilan du travail réalisé par la MINUSTAH qui a pris le relais de la Force Multinationale Intérimaire (France, Etats-Unis, Canada et Chili) avec une feuille de route précise et claire?

Il est indéniable qu'avec la disparition de certaines zones de non droit et de certains gangs armés qui défiaient les forces de l'ordre, la MINUSTAH a fini par engranger quelques succès, mais bien en deçà de sa taille et son armement sophistiqué. L’organisation des élections, très hypothétique au début, a pu devenir une réalité même s'il faut constater un décalage dans la périodicité clairement indiquée dans la constitution. En effet, des élus ont pu succéder à des élus sans que cela puisse soulever de problèmes majeurs, cependant ces quelques succès de la MINUSTAH déployée en Haïti dans le but d’y établir un climat sûr et stable comme préalable de tout progrès économique et social demeurent insuffisants pour affirmer que l’objectif a été atteint.

Des zones d’ombre subsistent encore compte tenu de nombreux facteurs internes et externes. De plus, cette opération de déploiement s’est déroulée par nécessité en contradiction avec les prescrits de la Constitution qui dispose en ses articles 263 et 263-1 : "La force publique se compose de deux corps distincts, à savoir la police nationale et les forces armées d’Haïti et qu'aucun autre corps ne peut exister sur le territoire national". D'autres dérives, dénoncées et documentées ont contribué a ternir l'image de la MINUSTAH et pervertir l'idéal des Nations Unies

Ainsi, la MINUSTAH, quelqu’ait pu être la raison de sa présence sur le sol national et l’utilité de son action devra se désengager progressivement selon un calendrier précis aussi bien par principe que par stratégie. Alors, il appartient aux Haïtiens de combler le vide qui en résultera, ceci relevant du sens commun et découlant de la simple logique. Du coup se trouve posée la question de la prise en charge de la sécurité nationale par les instances haïtiennes.

La nécessité de combler le vide à venir porte les haïtiens à mieux se comprendre. A ce titre, il est tout à fait encourageant de constater que, par rapport à l’Armée, le consensus le plus large est réalisé, la masse critique est atteinte au point que les discussions, même houleuses, portent davantage sur la forme que sur le fond c'est-à-dire de quel type d’armée le pays a besoin. Les consultations engagées auprès des secteurs vitaux du pays représentés par la société civile plurielle participe de la volonté des dirigeants actuels d’associer et d’impliquer la nation dans une campagne longue peut-être mais combien exaltante de reconquête de notre dignité nationale.

La quasi-totalité des haïtiens réalisent qu’une maison ne peut être bien gardée, protégée et défendue que par ceux qui l’ont reçue en héritage

3 - HISTORIQUE DE LA QUESTION :
A partir du 1er février 1916 date à laquelle une nouvelle force créée par l'Occupant remplaça l'armée nationale, les fonctions de police et d'armée furent assurées par une force unique qui prit tour à tour les noms de Gendarmerie (1916-1928), Garde d'Haïti (1928-1947), Armée d'Haïti (1947-1958) et Forces Armées d'Haïti (1958-1995).

Les Constitutions de 1946 et de 1987 tentèrent d'y remédier en créant 2 entités distinctes, l'Armée et la Police, mais ces dispositions restèrent lettre morte et ce jusqu'au démantèlement en 1995 de la force armée créée en 1915 et à son remplacement par la PNH à qui on demandait de faire le même travail d’armée et de police.

Dès la création de la PNH, des observateurs lucides avaient signalé que la démobilisation des FADH et la dévolution de toutes leurs attributions à la PNH était une décision irréfléchie lourde de conséquences.

L'effondrement sécuritaire et sociopolitique provoqué par les événements de 2003-2004 et l'intervention militaire qui s'ensuivit ont prouvé qu'aucune police ne peut remplir les missions dévolues aux forces armées.

Depuis lors, la question du retour de l’Armée se posa déjà comme une évidence, en témoignent les 64% d'opinion favorable à la remobilisation des FADH obtenus dans un sondage réalisé au 1er semestre de 2004.
Dans la foulée, d'abondantes réflexions sur la question ont été produites par deux Commissions respectivement en 2004-2006 et 2007-2009.

Si les Rapports de ces Commissions n'ont pas débouché sur la remobilisation de l'Armée ils ont eu, en revanche, le mérite d'avoir entretenu sur la question un débat qui est loin d'être clos et d'avoir fait considérablement avancer le dossier du point de vue de la réflexion sur le sujet.

Entre 2010 et 2011, la question de l'armée a été l'un des thèmes de campagne de bon nombre de candidats dont l'actuel Président Michel Joseph Martelly qui s'est d'ailleurs prononcé publiquement en faveur de l'existence d'une armée conformément aux prescrits constitutionnels.

Aujourd'hui, l'opportunité et la faisabilité de la remobilisation de l'Armée font l'objet d'un large consensus et les préoccupations portent davantage sur la forme que sur le fond. C’est donc dans cet esprit qu'a été créée par Arrêté en date du 21 novembre 2011 la Commission d’Etat pour l’organisation de la composante militaire de la force publique avec la mission principale de soumettre au Président de la République un échéancier d'organisation de ladite force le 1er janvier 2012.


4 - ECHEANCIER D'ORGANISATION DE LA COMPOSANTE MILITAIRE DE LA FORCE PUBLIQUE :

Cet échéancier tient compte du calendrier de désengagement de la MINUSTAH et porte sur la formation d'un effectif de 3,500 hommes sur une période de trois ans et demi selon le chronogramme suivant :

PHASE I - LES PRÉALABLES (Janvier - novembre 2012)


1. Communiqué d'interdiction des recrutements et entrainements illégaux de type militaire
2. Démarrage de la campagne de communication et de marketing du projet
3. Annonce de la solution du dossier d'indemnisation des membres de l'ancien personnel des FADH
4. Soumission au Parlement du plan quinquennal de financement de 5 ans de la Nouvelle Force
5. Soumission d'une loi organique du Ministere de la défense
6. Opérations d'évaluation de l'effectif de l'ancien personnel des Forces Armées d'Haïti
7. Reconstitution des carrières du personnel militaire et publication de la liste des mises à la retraite.
8. Définition d'une stratégie de sortie de la MINUSTAH
9. Publication du Rapport final de la Commission d'état


PHASE II - LA MISE EN ŒUVRE

10. Nomination d'un Etat-major de transition

Chef d'État-major : Général de brigade
G1 (Personnel) : Colonel
G2 (Renseignement) : Colonel
G3 (Entraînement) : Colonel
G4 (Logistique) : Colonel
G5 (Communication) : Colonel
Secrétaire de l'État-major : Colonel

11. Mise en place d'une structure de coordination avec la Minustah et avec la PNH
12. Recrutement du personnel administratif et technique de soutien à l'Etat-major de transition
13. Prise en charge et fermeture du bureau des militaires démobilisés
14. Délimitation des sites des Quartiers Généraux des 4 régions militaires et des postes d'observation
15. Aménagement et préparation des bases d'entrainement
16. Recyclage du personnel militaire évalué et retenu
17. Création d'un Comité d'application du Service Civique Mixte obligatoire
18. Prise en charge des bases désoccupées par la MINUSTAH
19. Poursuite de la campagne de communication


PHASE III - ENTRÉE EN SERVICE OFFICIELLE


20. Processus d'opérationnalisation des unités et corps prioritaires de la nouvelle Force
21. Ouverture du registre d'inscription pour les 500 premières recrues
22. Commémoration de la bataille de Vertières et entrée en service officielle de la nouvelle Force

Moyen terme : (novembre 2012 -novembre 2014)

23. Identification des pistes d'atterrissage
24. Activation des autres Régions Militaires
25. Réactivation des services techniques
26. Réouverture de l'Académie Militaire
27. Poursuite des opérations de recyclage et de recrutement
28. Poursuite des opérations de prise en charge des bases désoccupées par la MINUSTAH

Long terme : (novembre 2014 à + )

29. Opérationnalisation de la Nouvelle Force avec son effectif total de 3,500 hommes
30. Départ définitif de la MINUSTAH
31. Evaluation et renforcement de la structure de coordination avec la PNH
32. Occupation des zones stratégiques et Contrôle effectif du territoire
33. Spécialisation et formation continue
34. Evaluation périodique