Paulo Freire : La pédagogie des opprimés
Paulo Freire (1921 – 1997) est un
pédagogue brésilien. Dès 1947, il commence à élaborer sa propre méthode
d’alphabétisation dite de conscientisation. Très vite sa philosophie
éducative sera reprise (Années 60) pour être appliquée auprès des régions les
plus pauvres du Brésil : le Nordeste (région dont il est originaire).
Obtenant de très bons résultats, sa méthode sera rendu officielle (Années
63/64) par le gouvernement populiste de Joao Goulart. Il sera ainsi chargé de
l’alphabétisation par le ministère de l’éducation et de la culture.
Cependant, en 1964, le Brésil
connait un coup d’état qui conduira Paulo Freire à s’exiler au Chili. Cette
période lui permettra de perfectionner sa méthode notamment auprès des paysans
de ce pays. L’objectif étant que cette population participe activement à la vie
nationale. C'est ainsi que, comme au Brésil, sa pensée deviendra officielle
avec le gouvernement démocrate-chrétien d’Eduardo Frei.
Son
livre La pédagogie des opprimés (1969) est ainsi le
résultat de ses réflexions à partir de ses différentes expériences, notamment
celles de ses 5 années d’exil.
Méthode
de conscientisation
-La
théorie
Partant du constat que grand
nombre de sociétés sont construites selon le rapport dominé/dominant, il va
chercher à libérer les opprimés de cette dialectique par un
processus de conscientisation de leur situation objective. Son but est donc
de passer d’un système où l’éducation instaure le principe de domination, à une
éducation qui permet la liberté de tout être humain. L’éducation doit
donc être conçue comme un processus de libération passant par une
conscientisation de leur situation objective.
Pour cela, « le but de
l’éducateur n’est plus seulement d’apprendre quelque chose à son interlocuteur
mais de chercher avec lui les moyens de transformer le monde dans lequel ils
vivent ». Cette philosophie de l’alphabétisation n’a pour objectif
de remplir mécaniquement « un esprit vide de sens » mais bien de
passer par une méthode active qui permet à l’homme de prendre
conscience de sa problématique, de ses conditions de vie. L’objectif consiste
donc, en partie, à ce que l’homme se positionne en tant que sujet qui a
la possibilité de prendre des choix au sein de la société. Cette méthode
est donc conçue comme « une lecture politique de la réalité ». Le but
ultime de sa philosophie est l’épanouissement de l’homme passant par
une humanisation égalitaire. Vivant dans un monde de dominants/dominés qui
impose une injustice sociale, Paulo Freire va s’interroger sur les possibilités
de faire société autrement.
Pour lui, seuls les opprimés
peuvent être à l’origine de la transformation du système organisationnel de
leur société. Ainsi, il est nécessaire de passer par une praxis (combinaison
de la réflexion et de l’action) qui ne soit pas construite pour eux
mais avec eux. Par conséquent, cette pédagogie se doit de s’appuyer sur les
conditions quotidiennes de ces opprimés. L’objectif consiste donc de permettre
à l’individu de développer un esprit critique par la mise à distance du
fonctionnement de sa société. Ce n’est qu’à partir de ce moment que leur lutte
pourra commencer. En effet, c'est la compréhension des limites que leur impose
ce monde qui sera le moteur de leur cation libératrice.
-La vision des oppresseurs
L’instauration
d’une nouvelle situation de fait par les opprimés provoquent souvent chez les
oppresseurs un sentiment de retournement de situation. En effet ils se voient
octroyer une grande partie de leurs avantages longtemps acquis. Dans un premier
temps, cette transformation n’est donc pas perçue comme une situation
libératrice par les oppresseurs mais d’avantage comme une atteinte au
droit personnel ; « droit personnel qui, dans la situation
antérieur, ne tenait pas compte des millions de personnes qui souffraient et
mouraient de faim, de douleur, de tristesse et de désespoir ». De leur
point de vue, seuls eux sont des hommes, les autres sont des choses, des choses
qui leur permettent d’exister ; l’objectif étant qu’en les rendant
en être inanimé et sous contrôle absolue, l’opprimé ne puisse se révolter et se
libérer. « Etre pour eux, c'est faire partie d’une classe qui
possède ».
Cette
manière de concevoir le monde provient d’un processus continu et historique
dont il en résulte une conception strictement matérialiste de
l’existence. « L’argent est la mesure de toute chose. Et le profit est
leur principal objectif ».
-La vision des opprimés
-La vision des opprimés
Tant qu’ils n’ont pas acquis ce
processus de conscientisation, ils se placent souvent dans une
conception fataliste de leur situation. Ils finissent par croire et
incorporer les sous-estimations faites par les oppresseurs. Ce n’est donc qu’à
partir du moment où ils prennent conscience des causes de leur état
d’oppression, qu’ils vont vouloir transformer le monde. Pour cela, le groupe
doit impérativement passer par des allers-retours entre la réflexion et
l’action : c'est seulement ainsi que la lutte constituera une praxis
libératrice. Cependant, cette lutte doit passer par l’unification des dominés,
par la solidarité du peuple : « personne ne libère
autrui, personne ne se libère seule, les hommes se libèrent ensemble ».
L’éducation comme instrument de libération
Le système éducatif traditionnel n’est
que la simple reproduction de l’organisation sociétale qui repose sur la
dialectique dominé/dominant. En effet, on retrouve notamment ce rapport
entre éducateur et élève : l’éducateur est le maitre savant, puissant et
l’élève laisse place à un objet passif. Ce dernier apprend mécaniquement sans
porter plus d’attention au discours et sans développer son esprit critique.
Cette pédagogie les prépare à s’adapter facilement à la réalité qui les attend.
C'est la conception bancaire de l’éducation : elle sert ses
oppresseurs, l’objectif étant que ces ignorants « ne puissent
devenir un jour des agents transformateurs du monde ». En
opposition Paulo Freire prône une éducation libératrice exigeant
le dépassement de l’opposition éducateur/élève : « de telle
façon que chacun devient simultanément éducateur et élève », et
qu’il y est ainsi de véritables échanges. Seul ce dépassement permet
d’instaurer une relation de dialogue indispensable à « l’éveil des
sujet ». « Il n’y a pas d’éducateur de l’élève, ni d’élève de
l’éducateur mais l’éducateur élève avec l’élève éducateur ». Par
conséquent, « l’éducateur n’est plus celui qui simplement éduque,
mais celui qui, en même temps qu’il éduque, est éduqué dans le dialogue avec
l’élève ». Dans cette conception, nous voyons bien que les
relations de domination, de supériorité sont effacées. Ainsi, tous les
individus ont leur place dans la construction d’un savoir commun.
En effet, l’élève n’est plus le réceptacle de la connaissance de son maitre
mais, il est maintenant chercheur critique en dialogue avec l’éducateur. Tous
deux partent ainsi à la découverte d’une réalité.
Outre cette méthodologie, la
pédagogie des opprimés conduit les individus à réfléchir sur eux-mêmes et sur
le monde simultanément, sans couper cette pensée de l’action. L’éducation
conscientisant devient ainsi l’effort permanent par lequel les hommes se
mettent à découvrir, de façon critique, comment ils vivent dans le monde avec
lequel et dans lequel ils sont ».
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