mardi 9 octobre 2012

Paulo Freire: La pédagogie des opprimés


Paulo Freire : La pédagogie des opprimés
Paulo Freire (1921 – 1997) est un pédagogue brésilien. Dès 1947, il commence à élaborer sa propre méthode d’alphabétisation dite de conscientisation. Très vite sa philosophie éducative sera reprise (Années 60) pour être appliquée auprès des régions les plus pauvres du Brésil : le Nordeste (région dont il est originaire). Obtenant de très bons résultats, sa méthode sera rendu officielle (Années 63/64) par le gouvernement populiste de Joao Goulart. Il sera ainsi chargé de l’alphabétisation par le ministère de l’éducation et de la culture.
Cependant, en 1964, le Brésil connait un coup d’état qui conduira Paulo Freire à s’exiler au Chili. Cette période lui permettra de perfectionner sa méthode notamment auprès des paysans de ce pays. L’objectif étant que cette population participe activement à la vie nationale. C'est ainsi que, comme au Brésil, sa pensée deviendra officielle avec le gouvernement démocrate-chrétien d’Eduardo Frei.
Son livre La pédagogie des opprimés (1969) est ainsi le résultat de ses réflexions à partir de ses différentes expériences, notamment celles de ses 5 années d’exil.
  Méthode de conscientisation
  -La théorie
Partant du constat que grand nombre de sociétés sont construites selon le rapport dominé/dominant, il va chercher à libérer les opprimés de cette dialectique par un processus de conscientisation de leur situation objective. Son but est donc de passer d’un système où l’éducation instaure le principe de domination, à une éducation qui permet la liberté de tout être humain. L’éducation doit donc être conçue comme un processus de libération passant par une conscientisation de leur situation objective.
Pour cela, « le but de l’éducateur n’est plus seulement d’apprendre quelque chose à son interlocuteur mais de chercher avec lui les moyens de transformer le monde dans lequel ils vivent ». Cette philosophie de l’alphabétisation n’a pour objectif de remplir mécaniquement « un esprit vide de sens » mais bien de passer par une méthode active qui permet à l’homme de prendre conscience de sa problématique, de ses conditions de vie. L’objectif consiste donc, en partie, à ce que l’homme se positionne en tant que sujet qui a la possibilité de prendre des choix au sein de la société. Cette méthode est donc conçue comme « une lecture politique de la réalité ». Le but ultime de sa philosophie est l’épanouissement de l’homme passant par une humanisation égalitaire. Vivant dans un monde de dominants/dominés qui impose une injustice sociale, Paulo Freire va s’interroger sur les possibilités de faire société autrement.
Pour lui, seuls les opprimés peuvent être à l’origine de la transformation du système organisationnel de leur société. Ainsi, il est nécessaire de passer par une praxis (combinaison de la réflexion et de l’action) qui ne soit pas construite pour eux mais avec eux. Par conséquent, cette pédagogie se doit de s’appuyer sur les conditions quotidiennes de ces opprimés. L’objectif consiste donc de permettre à l’individu de développer un esprit critique par la mise à distance du fonctionnement de sa société. Ce n’est qu’à partir de ce moment que leur lutte pourra commencer. En effet, c'est la compréhension des limites que leur impose ce monde qui sera le moteur de leur cation libératrice.

   -La vision des oppresseurs
L’instauration d’une nouvelle situation de fait par les opprimés provoquent souvent chez les oppresseurs un sentiment de retournement de situation. En effet ils se voient octroyer une grande partie de leurs avantages longtemps acquis. Dans un premier temps, cette transformation n’est donc pas perçue comme une situation libératrice par les oppresseurs mais d’avantage comme une atteinte au droit personnel ; « droit personnel qui, dans la situation antérieur, ne tenait pas compte des millions de personnes qui souffraient et mouraient de faim, de douleur, de tristesse et de désespoir ». De leur point de vue, seuls eux sont des hommes, les autres sont des choses, des choses qui leur permettent d’exister ; l’objectif étant qu’en les rendant en être inanimé et sous contrôle absolue, l’opprimé ne puisse se révolter et se libérer. « Etre pour eux, c'est faire partie d’une classe qui possède ».   
Cette manière de concevoir le monde provient d’un processus continu et historique dont il en résulte une conception strictement matérialiste de l’existence. « L’argent est la mesure de toute chose. Et le profit est leur principal objectif ».

-La vision des opprimés
Tant qu’ils n’ont pas acquis ce processus de conscientisation, ils se placent souvent dans une conception fataliste de leur situation. Ils finissent par croire et incorporer les sous-estimations faites par les oppresseurs. Ce n’est donc qu’à partir du moment où ils prennent conscience des causes de leur état d’oppression, qu’ils vont vouloir transformer le monde. Pour cela, le groupe doit impérativement passer par des allers-retours entre la réflexion et l’action : c'est seulement ainsi que la lutte constituera une praxis libératrice. Cependant, cette lutte doit passer par l’unification des dominés, par la solidarité du peuple : « personne ne libère autrui, personne ne se libère seule, les hommes se libèrent ensemble ».

L’éducation comme instrument de libération
            Le système éducatif traditionnel n’est que la simple reproduction de l’organisation sociétale qui repose sur la dialectique dominé/dominant. En effet, on retrouve notamment ce rapport entre éducateur et élève : l’éducateur est le maitre savant, puissant et l’élève laisse place à un objet passif. Ce dernier apprend mécaniquement sans porter plus d’attention au discours et sans développer son esprit critique. Cette pédagogie les prépare à s’adapter facilement à la réalité qui les attend. C'est la conception bancaire de l’éducation : elle sert ses oppresseurs, l’objectif étant que ces ignorants « ne puissent devenir un jour des agents transformateurs du monde ». En opposition Paulo Freire prône une éducation libératrice exigeant le dépassement de l’opposition éducateur/élève : « de telle façon que chacun devient simultanément éducateur et élève », et qu’il y est ainsi de véritables échanges. Seul ce dépassement permet d’instaurer une relation de dialogue indispensable à « l’éveil des sujet ». « Il n’y a pas d’éducateur de l’élève, ni d’élève de l’éducateur mais l’éducateur élève avec l’élève éducateur ». Par conséquent, « l’éducateur n’est plus celui qui simplement éduque, mais celui qui, en même temps qu’il éduque, est éduqué dans le dialogue avec l’élève ». Dans cette conception, nous voyons bien que les relations de domination, de supériorité sont effacées. Ainsi, tous les individus ont leur place dans la construction d’un savoir commun. En effet, l’élève n’est plus le réceptacle de la connaissance de son maitre mais, il est maintenant chercheur critique en dialogue avec l’éducateur. Tous deux partent ainsi à la découverte d’une réalité.
Outre cette méthodologie, la pédagogie des opprimés conduit les individus à réfléchir sur eux-mêmes et sur le monde simultanément, sans couper cette pensée de l’action. L’éducation conscientisant devient ainsi l’effort permanent par lequel les hommes se mettent à découvrir, de façon critique, comment ils vivent dans le monde avec lequel et dans lequel ils sont ». 


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